La porteuse de mots

roman d'Anne POUGET

Qui t'as mis en tête qu'un jour nous sortirons de notre condition ?

Casterman, 2016, 204 p. (poche)
Casterman, 2016, 204 p. (poche)

Mai 1499.

"À l'eau ! À l'eau ! Qui veut de ma bonne eau ?" Du matin au soir, Pernelle arpente les rues de Paris. Sur ses épaules, deux lourds seaux remplis de l'eau qu'elle propose aux passants contre un peu d'argent pour aider sa famille pauvre.

 

Pourtant, la petite porteuse d'eau caresse un rêve secret : apprendre à lire et à écrire. Dans sa poche, elle conserve un papier froissé couvert de mots qu'elle s'acharne à déchiffrer. 

 

Son projet semble inaccessible... jusqu'au jour où elle fait la connaissance d'Enzo, un jeune étudiant en médecine italien prêt à lui donner des leçons. Mais comment trouver le temps de s'instruire quand sa condition impose autant de corvées ?

Mon avis :

Ce roman est une mine d'informations sur la vie quotidienne au Moyen Age !

Avec l'activité de porteuse d'eau de Pernelle, on comprend d'emblée combien il était difficile de s'approvisionner à l'époque. Les gens manquent d'hygiène (ils jettent le contenu des pots de chambre par la fenêtre !), la ville est sale, et les maladies sont légion. C'est un Paris très vivant que nous peint l'auteur, nous immergeant dans l'effervescence de ses rues où se côtoient marchands, magistrats, hommes d'Eglise ou simples habitants vacants à leurs occupations. Sans cesse en déplacement, l'héroïne nous mène d'une scène à l'autre, depuis la Seine où son père le "débardeur" extrait le bois flotté tandis que son frère le "déchireur de nefs" démonte les épaves de bateaux, jusqu'à la salle d'audience où l'on assiste, amusé, à la plaidoirie d'un "avocat des animaux" !

 

Mais ce qui fascine le plus Pernelle, c'est l'école des arts de la médecine. La jeune fille a en effet davantage d'ambition que de faire "comme les gens de notre condition : tu te marieras avec un brave homme et tu t'occuperas de tes enfants" ! Fascinée par le monde du livre, elle profite "de la chance qui nous tend les bras" pour apprendre à lire, côtoyer une ciseleuse d'ivoire qui réalise des décorations de couvertures, et même l'imprimeur le plus en vue de l'époque (qui a réellement existé), Aldo Manuzio. On sent que l'on est à une époque charnière, où les connaissances prennent peu à peu le pas sur les croyances et les superstitions. Le parcours de Pernelle, s'il est semé de malheurs, lui fournira malgré tout l'opportunité de s'instruire, démontrant qu'avec motivation et courage, on peut accéder à ses rêves : "Nous avons accompli de belles choses".

 

Patricia Deschamps, mars 2017

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