La planète des singes

roman de Pierre BOULLE (1963)

 

Y a-t-il des êtres humains ailleurs que dans notre galaxie ? C'est la question que se pose Ulysse Mérou, lorsque, de leur vaisseau spatial, ils observent le paysage d'une planète proche de Bételgeuse : on y aperçoit des villes, des routes curieusement semblables à celle de notre terre. Après s'y être posés, les trois hommes découvrent que la planète est habitée par des singes.

Ceux-ci s'emparent d'Ulysse Mérou et se livrent sur lui à des expériences. Il faudra que le journaliste fasse, devant les singes, la preuve de son humanité...

Mon avis :

Film de Rupert Wyatt, 2011
Film de Rupert Wyatt, 2011

Une référence au hasard d'une lecture (Les poupées savantes d'Arthur Ténor), le souvenir d'une excellente adaptation filmique ("Les origines"), et j'ai eu envie de découvrir ce classique de la science-fiction (et de revoir le film de Rupert Wyatt). J'y ai trouvé des pistes de réflexion intéressantes.

Sur cette planète où les singes ont évolué en "êtres suprêmes, sommet de l'évolution" et les humains au contraire assimilés à "des peuplades arriérées", incapables même de parler, les rôles sont inversés. Ulysse Mérou dénigre le comportement de Nova et les siens, mais finit par adopter lui aussi une attitude bestiale. Cherchant à se démarquer des autres, à prouver son intelligence supérieure, il subit des tests plus humiliants les uns que les autres. Il s'offusque des expériences médicales pratiquées sur les humains, alors que sur la Terre on fait la même chose sur des chimpanzés... Voici une belle remise en perspective de la façon dont on traite les animaux, ainsi que la pseudo suprématie humaine!

 

J'ai aimé la théorie de Zira la guenon et de son compagnon Cornélius le savant chimpanzé sur l'évolution du singe, qu'ils attribuent au fait que celui-ci possède quatre mains agiles ("Avec deux mains seulement, aux doigts courts et malhabiles, il est probable que l'homme ait été handicapé dès sa naissance"): chaque civilisation considère comme un atout ce que l'autre qualifie d'obstacle. J'ai été bluffée par la régression du professeur Antelle enfermé au zoo qui, dans ces circonstances particulières, a perdu toute attitude humaine en très peu de temps. Comme quoi il suffit de pas grand chose pour aller dans un sens ou dans l'autre... Et j'ai été exaspérée par l'orgueil d'Ulysse Mérou qui se prend pour "le nouveau Sauveur de cette humanité déchue", "l'homme que le destin a conduit sur cette planète pour être l'instrument de la régénération humaine"... Quelle prétention!

 

L'auteur ne peut d'ailleurs s'empêcher d'attribuer une origine humaine à l'actuelle civilisation simienne de Soror: "Les hommes ont autrefois régné en maîtres sur cette planète". Ah voilà, tout s'explique!.. Si les singes sont si doués, c'est parce qu'ils ont autrefois pris les humains comme modèles! Comme s'il était inconcevable que les singes aient mieux évolué que nous!.. Bon, pas tous les singes en réalité, les orangs-outans sont tout de même nettement inférieurs aux chimpanzés (comme on peut le constater avec le personnage de Zaïus). Quant aux gorilles, ils sont essentiellement doués pour la chasse. Mais quand même, ils restent tous plus évolués que notre "race qui a dégénéré"... Ce qui n'empêche pas Mérou d'être séduit par "une femme qui a le cerveau d'un animal" mais qui est très belle (Nova). Quelle ironie pour quelqu'un qui se prétend d'une intelligence supérieure!

 

Le summum est atteint lorsqu'un témoignage ancien évoque la cause de la déchéance humaine sur Soror. On y entend une femme dire qu'elle n'est pas malheureuse d'être réduite à un état animal: "Je n'ai plus ni soucis ni responsabilités" (sans commentaire). La théorie développée est que "ce qui nous arrive était prévisible. Une paresse cérébrale s'est emparée de nous", ce qui me paraît parfaitement cohérent avec ce que l'on peut observer dans notre propre société...

Au bout du compte, peu importe par quel bout on prend le texte (et la fin le confirme!), le message est clair: l'humanité est vouée à disparaître... et elle en sera la seule responsable.

Patricia Deschamps, juin 2022



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