La peau d'un autre

roman de Philippe ARNAUD

Injustice, il pense, et il remâche et rumine le mot, avec obstination. INJUSTICE ! Le monde entier, jour après jour, lui retire ce à quoi il tient !.. Pas d'issue, pas d'avenir, une survie laborieuse et animale, à quoi bon ?..

Sarbacane, 2012, 210 p. (Exprim')
Sarbacane, 2012, 210 p. (Exprim')

 

Anna, institutrice en Grande Section de maternelle, voit débarquer dans sa classe un jeune Noir de vingt ans la mitraillette à la main et une ceinture d'explosifs sur le torse.

 

Cet homme étrange, à la peau pâle et tachetée, ne revendique rien. D'ailleurs il reste muet durant toute la prise d'otages. Mais alors que veut-il ? Pourquoi mettre ainsi en danger la vie d'enfants ?

 

Pendant ce temps-là, dans la tête de celui qu'on surnomme Pigment à cause de sa drôle de peau, défilent les souvenirs douloureux de toutes les maltraitances qu'il subit depuis son enfance à cause de son faciès hors du commun...

Mon avis :

Au début, ce roman semble un peu spécial, dans son atmosphère comme dans sa thématique. On est un peu déstabilisé, on se demande quel est ce personnage bizarre et ce qu'il cherche, où l'histoire va bien nous mener. Le texte alterne le point de vue de "Lui" et celui d'Anna l'institutrice en de courts paragraphes minutés.

 

Et puis peu à peu, le temps s'étire (la prise d'otage durera deux nuits), nous immergeant dans les pensées de l'un et de l'autre. Le temps remonte même, et ces flashbacks nous en apprennent davantage sur la détresse de Pigment le mal-aimé, rejeté par les siens dans son pays, caché par ses parents, et enfin envoyé chez un vague oncle en France dans l'espoir que là-bas on l'acceptera mieux. Mais bien sûr ce n'est pas le cas, son physique d'albinos repousse les gens et son mutisme n'arrange rien. Il y a bien Léa, dont il est secrètement (vainement) amoureux, et son copain Serge le guitariste. La musique les réunit, car Pigment écrit, des textes durs, remplis de douleur, que son ami transforme en chansons percutantes bien que sombres. Pourtant, la solitude demeure, constamment, partout, et avec elle, la rage de l'injustice.

 

Anna non plus n'a pas eu une enfance idyllique, souffrant du manque d'amour de sa mère. Au fil des heures, alors même qu'ils n'échangent aucune parole, elle le comprend, Pigment. Son métier lui a appris à déceler les besoins affectifs des enfants, comme ce petit Nicolas, autiste, muré dans son monde. Comme elle, la petite Manon a viscéralement ressenti la détresse de ce drôle de bonhomme qui n'a pas l'air si mauvais, et à sa manière d'enfant, avec tendresse et naïveté, elle va apaiser la tension ambiante. Mais personne n'arrivera à éviter le drame final, inéluctable.

Un livre fort, dur, déstabilisant. Émouvant. Qui prend les tripes.

 

Patricia Deschamps, mai 2014

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