La maison hantée

Shirley JACKSON

♦ Thriller adulte

Certaines maisons sont nées mauvaises.

Rivages, 2016, 272 p. (Rivages/Noir) pour cette édition
Rivages, 2016, 272 p. (Rivages/Noir) pour cette édition

 

Construite par un riche industriel au XIXe siècle, Hill House est une monstruosité architecturale, labyrinthique et ténébreuse, qui n'est plus habitée par ses propriétaires. On la dit hantée.

 

Fasciné par les phénomènes paranormaux, le docteur Montague veut mener une enquête et sélectionne des sujets susceptibles de réagir au surnaturel. C'est ainsi qu'Eléonore arrive à Hill House avec ses compagnons.

 

L'expérience peut commencer, mais derrière les murs biscornus, les fantômes de la maison veillent et les cauchemars se profilent...

Mon avis :

Quel plaisir de me replonger dans la collection "Pocket Terreur" que j'affectionnais tant plus jeune ! Il se dégage de ce roman une atmosphère oppressante à souhait, même si rien n'y est véritablement effrayant.

Le malaise saisit à partir du moment où Eléonore atteint l'énorme et menaçante grille de Hill House, et ne nous quitte plus par la suite. Littéralement personnifiée, la maison dégage une impression maléfique presque physique sans que l'on soit capable de définir précisément la provenance de ce sentiment: "Qui a-t-il ici ? Qu'est-ce qui fait tellement peur aux gens ?". Certes il y a ces portes qui se ferment toutes seules, certainement à cause des "distorsions majeures de la maison" défiant les lois de l'architecture. Il y a ces courants d'air d'un froid intense, à l'entrée de la nursery et dans la tour menant à la bibliothèque - où Eléonore est incapable de pénétrer. Mais les authentiques manifestations surnaturelles sont longues à venir ("Tout semble dans l'expectative") et un peu décevantes. Malgré tout l'ambiance est prenante : pas de fantômes dans ce lieu soi-disant hanté, "en fait le mal est dans la maison elle-même", c'est elle qui "prend de l'emprise sur vous".

 

Si Hill House ne se manifeste pas tout de suite, c'est qu'elle "attend que nous nous sentions en sécurité". L'héroïne y est d'ailleurs plutôt à l'aise. Elle a consacré les onze dernières années à soigner sa mère malade (et désormais décédée) et elle rêve de pouvoir enfin s'occuper d'elle-même, trouver une maison, se faire plaisir. Ce séjour comble le besoin de mettre un peu d'animation dans sa vie, voire de se libérer (notamment de l'emprise de sa sœur) en prenant ses propres décisions. Elle trouve en la personne de Théodora - son exact opposé question personnalité - une amie à la fois complice et stimulante. Théodora n'a pas peur de dire ce qu'elle pense ("elle est rosse", même, parfois) et c'est une femme indépendante. Sorte d'alter ego en négatif, elle contrebalance le caractère trop idéaliste d'Eléonore qui a tendance à "se nourrir d'espoir". Toutes deux entretiennent une relation étrange, d'une part parce qu'elles passent d'un extrême à l'autre, tour à tour proches puis agressives. D'autre part parce que dans leurs échanges, pensées et paroles se mêlent comme si elles étaient télépathes. Cette confusion contribue largement à entretenir le trouble généré par l'atmosphère du roman.

 

Le film de Robert Wise (1963)
Le film de Robert Wise (1963)

J'ai cru un moment que le projet du Dr Montague était une vaste mise en scène, à cause de certains personnages comme Mme Dudley, la cuisinière qui répète les mêmes phrases en boucle (ce qui est à la fois drôle et stressant), et l'horripilante (et ridicule) Mme Montague qui débarque en fin de semaine avec sa "planchette" (de oui-ja) et son ami asservi, Arthur. Mais non, si nous sommes bel et bien hors du monde et hors du temps, l'emprise des lieux est réelle. Fascinée par les histoires sur le passé de Hill House, dotée d'un caractère impressionnable du fait de son propre vécu, Eléonore est une proie idéale pour cette maison qui veut prendre possession d'elle. Le personnage évolue considérablement au fil des chapitres, on sent qu'elle essaie de garder le contrôle ("cela me dégoûte mais cela ne m'effraie pas") mais cela ne l'empêchera pas de sombrer dans la folie : "La peur est l'abandon de la logique, la renonciation volontaire aux schémas de pensée raisonnable"... Au bout du compte Hill House aura fini, imperceptiblement, chapitre après chapitre, par nous capter comme elle "a enchaîné ses occupants" !

Patricia Deschamps, octobre 2017

Merci à Célie de m'avoir conseillé ce livre !


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