La forêt des monstres

roman de Paul BEAUPERE

A genoux à ses côtés Louis priait vraiment, il priait pour que le père ne tuât personne de ses grosses mains, pour que personne ne tuât le père, il priait pour que tout finît bien, il ne savait pas comment, mais là-haut, Dieu, lui, le savait certainement.

Mame, 2016, 253 p.
Mame, 2016, 253 p.

Orphelin, le jeune Louis est élevé au château de Valrogue par le père Sixte qui ne le ménage pas.

 

Une nuit, alors que Louis file discrètement le moine à travers un passage secret, il se retrouve dans la terrifiante forêt d'Inumen que l'on dit maudite... Et comme de fait, le jeune garçon y croise des créatures surnaturelles monstrueuses, avant de s'enfuir.

 

Le lendemain, il apprend que le capitaine Eric Dulys, le maître du domaine, a disparu. Il a cependant laissé un journal grâce auquel Sixte et Louis apprennent l'existence d'un complot fomenté par Henriette de Carnes, la sœur d'Eric. Celle-ci débarque d'ailleurs à Valrogue pour prendre possession des lieux...

Mon avis :

Avec ce roman, Paul Beaupère change radicalement de registre, même si son humour indéfectible est toujours présent ! Nous voilà plongés à l'époque médiévale, pour une aventure chevaleresque nimbée de fantastique. Car la forêt d'Inumen abrite des monstres de toutes sortes, créatures volantes, griffues, velues, sans visage, parfois mi-bêtes mi-hommes, voire fantomatiques telle la dame blanche... Heureusement le jeune Louis est un archer malin et courageux - mais a-t-il vraiment le choix face à l'autoritaire père Sixte ? Le bonhomme surprend au premier abord, il est très brusque avec le garçonnet, et emploie à son égard des sobriquets guère flatteurs ("moineau sans cervelle", "crapaud", "cornichon"...). Et puis l'on comprend que c'est un "bourru au grand cœur", fidèle à ses principes, mais à l'attitude inhabituelle chez un religieux ! L'attitude belliqueuse de cet "homme de Dieu, homme de bien, de paix, d'amour de compassion, de charité" en surprend plus d'un ! Il faut dire que c'est un ancien soldat... alors certaines scènes sont vraiment cocasses, notamment quand le moine soulève d'une main un garde ennemi tout en assommant le second, ou encore lorsqu'il se lance dans une course effrénée avec sa grosse bedaine !

 

En fait on découvre les personnages au fil de l'action, celle-ci démarrant d'emblée sans laisser le temps de se familiariser avec les caractères. Celui d'Henriette est agaçant à souhait, et c'est avec son arrivée que l'intrigue se met en place, les premiers chapitres semblant quelque peu décousus (quel est le rapport entre la forêt maudite, l'enfance de Louis évoquée dans le journal d'Eric et les sombres desseins de sa sœur ? se demande-t-on au début). Telle la Reine de coeur d'Alice au pays des Merveilles, Henriette s'égosille de manière hystérique ("Je le veux vidé comme un poisson !"), fulminant de frustration. La dernière partie est une bataille homérique entre ses troupes et celles de son frère, au cours de laquelle le capitaine et ses compagnons atypiques (le Court, le Sourd...) feront preuve de ruse davantage que de violence (ils assomment mais ne tuent pas). C'est aussi dans le grand final que l'on découvre qui sont réellement les "monstres" de la forêt...

Ainsi, avec ce roman épique au style très visuel qui enchante par ses envolées imaginatives et humoristiques, Paul Beaupère libère (enfin) toute la mesure de son talent de conteur !

Patricia Deschamps, mai 2017


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