La curée : Les Rougon-Macquart tome 2

roman d'Emile ZOLA (1871)

Est-ce que nous faisons le mal, nous autres ! Nous nous aimons, nous nous amusons comme il nous plaît !

A la fin d'une chasse, pendant la curée, les chiens dévorent les entrailles de la bête tuée. Pour le jeune Zola qui déteste son époque, c'est le cœur de Paris, entaillé par les larges avenues de Napoléon III, que des spéculateurs véreux s'arrachent. Zola ne pardonne pas ces fortunes rapides qui inondent les allées du Bois d'attelages élégants, de toilettes et de bijoux éclatants. Aristide Rougon, devenu Saccard, a réussi. Mais tout s'est dénaturé autour de lui, à commencer par son épouse, la belle mais désœuvrée Renée, et son fils le séduisant Maxime...

 

(4e de couverture)

Mon avis :

Fini la méridionale Plassans, nous voici maintenant dans le luxe parisien. On découvre les riches plaisirs de la capitale à travers Renée, jeune bourgeoise de bonne famille qui s'ennuie de sa vie oisive ("Je suis lasse de vivre ma vie de femme riche, adorée, saluée"), entre fêtes mondaines et séances chez le couturier.

 

Renée est l'épouse d'Aristide Rougon, devenu Saccard pour ne pas qu'on l'associe aux événements politiques de Plassans (racontés dans le tome 1). C'est un mariage arrangé mais qui convient bien aux deux parties: ce qui lie avant tout les deux époux, c'est l'argent. L'argent facile et rapide, Saccard bâtissant sa fortune sur des spéculations immobilières, à l'heure où débutent les grands travaux d'Haussmann ("Il avait enfin trouvé son milieu. Il s'était révélé grand spéculateur, brasseur de millions"). Mais ce sont des gains instables, de l'argent souvent bloqué dans des investissements, dont Aristide veut toujours plus. Le couple est très dépensier, organise des soirées aussi flamboyantes que les tenues faisant la réputation de la belle Renée. On est dans un monde superficiel, de débauche luxueuse, où seule compte la réputation ("Chaque jour apportait son cancan"). Les couples et les fortunes se font et se défont au fil des magouilles des uns et des autres. J'ai bien aimé le personnage de Mme Sidonie, la sœur de Saccard au réseau social tentaculaire, spécialisée dans les petits arrangements (c'est une reine de la combine), et qui agit en toute discrétion à travers Paris dans ses éternelles vieilles robes noires avec son panier à secrets. Elle contraste avec les autres mais n'en est pas moins efficace dans l'ombre.

 

Cependant Renée n'a d'yeux que pour Maxime, le jeune fils qu'Aristide a eu avec sa première femme, Angèle (il a laissé la petite Clotilde à son frère Pascal, le médecin de Plassans). Maxime n'est encore qu'un adolescent quand son père épouse Renée, mais d'emblée une grande complicité s'instaure entre celle-ci et son beau-fils qu'elle va initier aux coquetteries du milieu bourgeois ("Elle ne négligeait rien pour parfaire son éducation"). Blond et fin, Maxime a une beauté efféminée qui plaît à ces dames ("Il était leur joujou"). Son jeune âge l'autorise à rester en belle compagnie et il est vite initié à la séduction ("Ce que Maxime adorait, c'était de vivre dans les jupes, dans les chiffons, dans la poudre de riz des femmes"), ce qui rend Renée jalouse...

 

L'intrigue évolue ainsi entre quête sans fin et toujours plus grande d'argent, pour un luxe qui, au bout du compte, ne rend pas heureux. Renée est assez touchante, je trouve. Elle essaie de s'épanouir dans l'amour mais lorsque celui-ci est immoral, tout devient très compliqué... On assiste alors à sa lente et inéluctable déchéance. La dernière scène est poignante, elle fait écho à la toute première (une balade en calèche au bord du lac): la boucle est bouclée, sauf que cette fois la jeune femme est seule... Partie se réfugier dans sa maison d'enfance, elle regarde ses souvenirs et ses petits bonheurs d'autrefois, qui étaient tout simples, envolés. Mais il est un peu tard pour avoir des regrets...

Patricia Deschamps, février 2022


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