Les Bridgerton sont une famille d'aristocrates anglais du début 19ème siècle. Le père étant décédé depuis plusieurs années, la vicomtesse a élevé seule ses huit enfants âgés de dix à vingt-neuf ans. Si l'aîné, Anthony, ne semble pas prompt à se marier, la première des filles, Daphné, a fait son entrée dans le monde. Elle trouve fort séduisant le meilleur ami de son frère, Simon, mais celui-ci a une réputation de libertin... et affirme haut et fort qu'il ne prendra jamais d'épouse. Les circonstances amènent Daphné et Simon à passer un arrangement: il fera semblant de la courtiser afin de la rendre plus attractive auprès des autres hommes, tandis que lui sera laissé tranquille lors des bals mondains. Mais cela se révèle un jeu bien dangereux...
Mon avis :
Il paraît que cette saga a été adaptée sur Netflix mais c'est parce qu'elle me rappelait l'univers de Jane Austen que je l'ai empruntée à la bibliothèque. C'est un volume double comprenant les deux premiers tomes. Chaque chapitre est introduit par une chronique de la mystérieuse lady Whistledown, sorte de "gossip girl" mondaine de l'époque. S'il y est question de jeunes filles à marier comme chez la célèbre romancière anglaise, l'autrice, contemporaine, y ajoute des scènes érotiques plus ou moins réussies (selon moi) à la Cinquante nuances de Grey (que j'avais abandonné en cours de lecture).
On suit tout d'abord Daphné, l'aînée des filles Bridgerton, dans sa quête du mari idéal. Simon Hastings, le meilleur ami de son frère Anthony, est très séduisant mais a une réputation d' "épouvantable libertin". Or, en ce début de XIXe siècle, on fait très attention aux convenances et à l'honneur... Mais comment lutter contre une attirance de plus en plus insupportable? Ou peut-être est-ce parce qu'il est inaccessible (Simon a toujours affirmé qu'il ne se marierait jamais) que ce jeune homme est si désirable? Vous l'aurez compris, on n'échappe pas à certains clichés. Néanmoins le personnage de Simon, plus subtil qu'il n'y paraît, amène à dénoncer les préjugés ("Cette manie qu'elle avait de toujours tirer des conclusions hâtives à son sujet"). Le prologue avait d'entrée évoqué sa difficile relation avec son père ("Simon ressentit le rejet de son père jusque dans sa chair") et les conséquences sur ses choix de vie.
L'histoire d'Anthony est également sous le sceau de la relation père-fils. On en apprend un peu plus sur Edmund Bridgerton, le père décédé. Il est intéressant de voir le personnage d'Anthony non plus du point de vue de Daphné, mais de l'intérieur et aussi sous l'oeil de Kate Sheffield, l'une des héroïnes du tome 2. A l'image de Simon, Anthony est perçu comme "un aristocrate prétentieux" et grand séducteur ("Les femmes lui tombaient pratiquement dans les bras") alors qu'en réalité, c'est un homme terrifié par la mort prématurée. Comme Daphné, Kate devra mettre au jour de sombres secrets. De son côté, Anthony doit choisir entre le coeur et la raison, en la personne d'Edwina, cadette de Kate.
Affronter ses démons (Kate traîne également un traumatisme d'enfance), voilà bien ce qu'il ressort de ces deux premiers volumes dont chacun est consacré à l'un·e des enfants Bridgerton se croisant et se recroisant sous des angles différents. Si le rôle des un·es et des autres est figé par les conventions ("Nous avons tous un rôle à jouer dans la vie et le mien a toujours été de me montrer forte et raisonnable"), c'est une fratrie complice et pleine de vie (comme en atteste l'impitoyable partie de croquet) et les dialogues sont très vivants. Il y a même un côté assez drôle et visuel dans certaines scènes qui ne vont pas sans rappeler le vaudeville.
La réflexion sur le deuil vient contrebalancer cette légèreté ("C'est plus difficile quand on est plus âgé. Vous avez eu la chance de le connaître mais la douleur de la disparition est plus intense."), tout comme celle sur l'évolution de la place de la femme dans le couple. Si Anthony souhaite dans un premier temps "garder une certaine distance avec son épouse, sa vie devait être compartimentée et une femme trouvait sa place dans les cases qu'il avait mentalement étiquetées "événements mondains" et "chambre à coucher"), il réalise que son souhait profond est plutôt d'en faire une compagne dans tous les moments et les décisions de la vie.
C'est donc une saga sans prétentions mais agréable à lire et j'ai bien envie de continuer de suivre les aléas de la famille Bridgerton!
Patricia Deschamps, décembre 2022
► Et aussi...
Oui, Benedict était un Bridgerton, mais il aurait parfois aimé être un peu moins Bridgerton, et un peu plus Benedict.
Mon avis (★★★★) : En attendant la saison 3 sur Netflix, je me replonge dans les romans afin de découvrir les histoires de Benedict et Colin. Le schéma est toujours le même: un prologue nous présente la future fiancée puis l'on suit le cheminement des sentiments, depuis la rencontre jusqu'au mariage.
Le parcours de Sophie Beckett, fille illégitime du comte de Penwood, est digne de Cendrillon, puisque depuis la mort de son père, la jeune fille est devenue la domestique (si ce n'est l'esclave) de son odieuse belle-mère et de ses deux filles (même si la plus jeune, Posy, suit le mouvement malgré elle). Un stratagème osé lui donne l'occasion de participer anonymement à un bal masqué, où c'est le coup de foudre (réciproque) pour le séduisant Benedict Bridgerton. A minuit, elle s'échappe en perdant non pas un escarpin, mais un gant. Dès lors, Benedict n'aura plus qu'une obsession: la retrouver.
Le tome consacré à Colin est celui dont s'est le plus inspiré le réalisateur de la série Netflix pour la saison 2. Il est essentiellement centré sur Pénélope Featherington, la meilleure amie d'Eloïse Bridgerton, qui connaît Colin depuis toujours. A l'opposé de l'histoire précédente, il s'agit d'une amitié complice qui va peu à peu se transformer en amour (du côté de Colin tout au moins, parce que Pénélope l'a toujours aimé). Tout comme Sophie, Pénélope est celle que l'on ne remarque jamais -mais pas pour les mêmes raisons. A 28 ans, elle fait partie des vieilles filles ayant renoncé à trouver un mari. Cependant toutes deux réussiront à se distinguer par leur personnalité et/ou leur esprit (même si elles sont aussi jolies).
Au-delà de la dimension sentimentale un peu convenue, on trouve dans ces romans des éléments de réflexion qui en font toute la pertinence. La notion de famille est évidemment très importante. Une famille aimante, unie, à l'écoute des uns et des autres. Violet représente la mère idéale, elle est gentiment moquée pour son insistance à vouloir marier ses huit enfants, mais souhaite pour eux un mariage d'amour, heureux. Il ne lui pose pas de problème, par exemple, que Benedict épouse une domestique. Sophie n'a plus de famille mais en trouve une. Pénélope a toujours fait partie de la famille Bridgerton, et si la sienne semble bien grotesque, des liens forts l'unissent néanmoins à sa mère et à la petite Felicity.
L'autre thématique intéressante, selon moi, est la difficulté pour une si grande fratrie de trouver sa place et de développer une personnalité propre. Benedict se désole d'être confondu avec son aîné Anthony et son cadet Colin (ils se ressemblent beaucoup physiquement). Ce dernier se désole de ne pas avoir de projet personnel (Anthony est l'héritier et Benedict l'artiste). Heureusement chacun pourra compter sur sa moitié pour le révéler à lui-même (et vice-versa).
Le tome 4 marque aussi le grand retour de lady Danbury (un de mes personnages préférés) et lève le mystère sur l'identité de la fameuse lady Whistledown. Quand on a vu la série, on sait déjà qui elle est, cependant il est intéressant de voir les subterfuges utilisés par l'autrice pour maintenir le suspens.
Enfin, un teaser concernant Eloïse ("Il faut la marier au plus vite. - J'y travaille.") donne envie de se plonger dans la suite!
Patricia Deschamps, avril 2023
Mon avis (★★★★★) : Voici venu le tour d'Eloïse, la personnalité forte des sœurs Bridgerton qui, à 28 ans, désespère son entourage de finir vieille fille. Elle-même s'y voyait bien, mais maintenant que sa meilleure amie Pénélope s'est mariée, vivre (complètement) seule ne l'enthousiasme plus autant.
Ce roman-ci se démarque des autres, d'une part parce qu'il démarre par une correspondance (activité chère à l'héroïne), et parce qu'il est plus intimiste, presque en huis clos: il se déroule à la campagne loin de Londres dans la propriété de Sir Philip Crane. On a néanmoins le plaisir d'une scène d'anthologie avec les frangins à la rescousse tels les quatre mousquetaires.
Si le schéma narratif reste fondamentalement le même, on ne se lasse pas de replonger dans l'univers créé par l'autrice tant son style est prenant et ses personnages, y compris les nouveaux, attachants. Elle a l'art de renouveler les intrigues tout en gardant la base de la romance. Ici par exemple, il est question des compromis nécessaires à la vie de couple et de l'importance d'exprimer ses émotions afin de trouver des solutions à deux. L'éducation des enfants est également mise en avant: être parent, cela s'apprend, surtout lorsque l'on forme une famille recomposée.
L'histoire de Francesca est elle aussi originale. Elle se déroule entre le manoir de Kilmartin en Ecosse et la propriété familiale à Londres où l'on est heureux·se de retrouver Lady Bridgerton (Violet), toujours aussi perspicace, ainsi qu'une apparition de la truculente Lady Danbury à un bal. Colin se montrera également de bon conseil avec Michael, le cousin de John Kilmartin et meilleur ami du couple. Car Francesca est déjà mariée dans ce tome-ci. Autour de quoi va donc tourner l'intrigue? Difficile d'en parler sans rien divulgâcher! Sachez juste qu'il est question de culpabilité, lorsque l'on a des sentiments qui nous semblent inconvenants pour une personne... Et de la réputation de libertin qui colle à un homme, y compris lorsqu'il ne l'est plus. J'ai trouvé que le récit tournait un peu en boucle, il m'a semblé un peu plus creux que les précédents, néanmoins l'œuvre de Julia Quinn reste captivante dans sa globalité.
Le dernier volume sera consacré à Gregory et Hyacinthe que l'on a connus tout petits et qui sont déjà devenus de jeunes gens!
Patricia Deschamps, mars 2024