L'énigme Vermeer

roman de Blue BALLIETT

Le grand art appartient à l'humanité. Ne vous laissez pas intimider par les experts. N'ayez pas peur de vous élever contre l'enseignement que vous avez reçu, contre ce qu'on vous a appris à voir et à croire.

Nathan, 2015, 296 p.
Nathan, 2015, 296 p.

Calder est un garçon solitaire, fan de pentominos, ces petites pièces portant des noms de lettres de l'alphabet et qui s'emboîtent pour créer des formes géométriques.

Petra, sa camarade de classe tout aussi solitaire, adore écrire et c'est également une grande lectrice. Alors le jour où miss Hussey, leur enseignante, leur demande de "trouver une lettre ayant changé la vie de quelqu'un" et ensuite d'en écrire une, elle est aux anges.

 

Mais ce n'est pas si simple... Alors, "trouvez-moi de l'art", demande miss Hussey. Tandis que Calder déniche un coffret en bois dont le couvercle est décoré d'un tableau, Petra tombe par hasard sur un livre surprenant consacré à des événements incompréhensibles...

Par hasard, vraiment ? Car ce livre a appartenu à une vieille dame, Mrs Sharpe, qui a justement aidé Calder à identifier le tableau du coffret : il s'agit du Géographe du peintre néerlandais Vermeer. Peintre qui aimait représenter des lettres dans ses œuvres... Et dont l'un des célèbres tableaux, Jeune femme écrivant une lettre, a mystérieusement disparu lors d'un transfert de musées...

Mon avis :

Vermeer, "Le Géographe", 1669
Vermeer, "Le Géographe", 1669

Un roman puzzle qui nous plonge au cœur de l'oeuvre du peintre Vermeer.

Les premiers chapitres m'ont quelque peu déstabilisée. D'une part parce que l'enquête annoncée ne démarre pas tout de suite. Le début du récit se concentre sur la présentation des deux héros, enfants pour le moins atypiques ! Calder est obnubilé par ses pentominos, qu'il transporte partout avec lui (dans sa poche) et qu'il utilise aussi bien comme outil mathématique que comme runes divinatoires : "Peut-être pouvait-on décrire la totalité du monde avec une espèce de code pentomino (...) En relevant les yeux, tout le mobilier de la cuisine lui était apparu comme des pièces de pentomino. Les charnières des placards étaient des L, les robinets des X, les brûleurs de la gazinière dessinaient les jambages d'un N. A cet instant, il avait compris quel était son destin : résoudre des problèmes." Toute aussi originale, Petra se fascine pour un livre trouvé dans une poubelle (Look ! de Charles Fort) évoquant des averses de grenouilles (que l'on retrouve discrètement insérées partout dans les illustrations du roman...) et autres choses vivantes ! Lecture dont elle tire, malgré son jeune âge (12 ans), des réflexions quasi philosophiques : "Charles Fort cherche la vérité à sa façon, au mépris de l'opinion générale. (...) la perception du monde dépend de la façon dont on l'observe. (...) Les gens ne regardent pas assez attentivement ce qu'il y a autour d'eux." Il faut dire que leur enseignante miss Hussey encourage sa classe à travailler dans ce sens : réfléchir, débattre, être acteur de ce que l'on apprend. A commencer par l'art, un de ses thèmes de prédilection : "Picasso a dit que l'art est un mensonge, un mensonge qui dit la vérité." Pas simple à méditer ! Je me suis donc demandé quel public d'adolescents ce roman pouvait attirer... D'autant plus qu'on a cette impression que l'intrigue part dans tous les sens : trois personnes qui reçoivent une mystérieuse lettre anonyme, une visite au musée avec miss Hussey dont l'un des peintres préférés (Vermeer, donc) "s'intéressait beaucoup aux lettres et on en voit souvent dans ses œuvres", sans oublier les lettres codées (que je me suis escrimée à "traduire") que son copain Tommy envoie à Calder et qui l'informent de la disparition d'un garçon prénommé Frog ("grenouille" en anglais)...

"Jeune femme écrivant une lettre", 1666
"Jeune femme écrivant une lettre", 1666

En même temps, l'auteur nous avait prévenu en introduction : "Tel un jeu de pentomino, ce livre se présente sous forme de pièces séparées qui finiront par s'ajuster entre elles." Il faut en fait attendre le septième chapitre, lorsque les deux enfants (qui jusque là ne s'étaient jamais adressé la parole) s'associent, pour résoudre le mystère de ces "événements fortuits qui s'agencent entre eux mais d'une manière confuse." Car ils en sont persuadés : ces coïncidences n'en sont pas, et ils sont déterminés à relever le défi de "comprendre le sens profond des choses." Ce passage correspond à l'entrée en scène d'un nouveau personnage déterminant : la vieille et revêche Mrs Sharpe. C'est le moment également où l'on plonge dans l'oeuvre de Vermeer, notamment dans les objets et personnages récurrents dans ses tableaux (carrelages et vitraux, cartes géographiques et tapis orientaux, femme en jaune...), et aussi dans la polémique contestant l'authenticité de certaines peintures lui étant attribuées. Petra consigne dans son "carnet Vermeer" tous les "trucs étranges" dont les enfants sont témoins : autant d'éléments d'enquête qui les font avancer. Car entre-temps a eu lieu le vol de la "Jeune femme écrivant une lettre" et l'étrange revendication du voleur... Dès lors l'histoire se lit mieux, même si l'ensemble a un petit côté désuet (le livre est paru pour la première fois en 2005), que la fin se fait attendre et que les explications se révèlent un peu alambiquées.

 

Un roman entre intrigue policière et histoire de l'art qui m'a rappelé Le tableau du maître flamand d'Arturo Perez-Reverte !

Patricia Deschamps, février 2016

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