L'or : La merveilleuse histoire du général Johann August Suter

roman de Blaise CENDRARS

Le vieux fou.

L'homme le plus riche du monde.

En 1834, Johan Suter quitte la Suisse, sa femme et ses quatre enfants et part à l'aventure. Il embarque pour l'Amérique, s'installe d'abord dans le Missouri, puis, en 1839, part pour la Californie, alors province du Mexique. Il fait fortune grâce à l'agriculture, à tel point qu'il rachète la région au Mexique.

 

Mais alors qu'il est en passe de devenir l'homme le plus riche du monde, un événement va stopper net son ascension: de l'or est découvert sur ses terres. La ruée vers l'or qui s'ensuit va transformer la vie rêvée de Suter en cauchemar.

L'avis de Fabien, bibliothécaire :

Paru en 1925, "L'or" est le premier roman du poète Blaise Cendrars, quoiqu'il s'agisse ici plutôt ici d'une biographie romancée même si Cendrars a pris quelques libertés (minimes) avec la vérité historique. Le style sec, presque journalistique de l'auteur peut de prime abord rebuter. Cendrars ne cherche pas à nous faire entrer en empathie avec le personnage de Suter (d'ailleurs peu sympathique...), mais cette distance permet justement de mieux mettre en valeur cette aventure extraordinaire. Court et prenant, le récit décrit la folie de la ruée vers l'or et nous fait vivre une page passionnante de l'histoire des Etats-Unis et Suter, broyé et presque oublié par l'Histoire, symbolise à lui seul la vanité de l'ambition humaine. Conte cruel et ironique, "L'or" est définitivement... une pépite (haha).

Août 2019

 

Mon avis :

J'ai été agréablement surprise par l'écriture vive et vivante de Blaise Cendrars, que je découvre. Les chapitres sont courts, l'action s'enchaîne, l'auteur ne perd pas de temps en descriptions inutiles. Cela donne un effet dynamique allant bien avec l'esprit d'aventure du personnage.

Suter, qui a vraiment existé, est un homme déterminé, malin, sans état d'âme et polyvalent. Ayant quitté la Suisse pour l'Amérique, abandonnant derrière lui femme et enfants, il ne tarde pas à entendre parler de la Californie ("Tous ne parlent que de l'Ouest. Il est hanté"). Mais il n'est pas du genre à agir sans préparation, alors il se renseigne sur les mœurs et les habitudes locales, évalue les besoins. Il découvre un pays cosmopolite ("Toutes les races du monde sont représentées"), une "bande de terre toute en littoral". San Francisco, ce sont "des huttes de pêcheurs en terre battue. Des cochons qui se vautrent au soleil". Difficile à imaginer aujourd'hui!

 

Suter établit son ranch, la Nouvelle-Helvétie, en se servant des Indiens comme esclaves ("dépouillés de tout, maltraités, misérables"). Les Indiens constituent son plus gros souci parce que "ses terres empiétaient sur leurs territoires de chasse". Mais le général a des relations politiques et son commerce ne tarde pas à devenir lucratif. Il va même jusqu'à importer des ceps de vignes du Rhin et de Bourgogne (serait-il à l'origine du bon vin californien?). Et voilà que la fièvre de l'or s'abat sur le monde.

Le récit prend alors une incroyable tournure: "Après avoir tout bravé, tout risqué, tout osé et s'être fait "une vie", Suter est ruiné par la découverte des mines d'or sur ses terres". Celles-ci attirent en effet de nouveaux colons ("Mon pauvre domaine était submergé"), tandis que les employés s'enfuient avec les pépites trouvées. Toutes les fermes sont abandonnées et il n'y a plus personne pour gérer le domaine. "La découverte de l'or m'a ruiné!", se désole Suter.

 

Par une ironie du sort, c'est à ce moment que sa femme, Anna, se décide à effectuer le long voyage avec leurs enfants pour le rejoindre... Suter se remet donc à l'ouvrage. Mais il a changé, il est devenu hésitant, renfermé, méfiant, sournois, avare. "J'ai le mal du pays". Il réclame justice, intente un procès aux particuliers et au gouvernement de l'Etat, revendiquant la propriété exclusive des terrains ainsi que des droits sur une partie de l'or extrait. Cela lui vaut la haine de bien des gens... "Il est brisé", vit dans la misère, n'est plus que l'ombre de lui-même, un "vieux fou" qui meurt en croyant avoir gagné son procès à cause (ou grâce) à une plaisanterie de petits voyous.

Au bout du compte, "ses privations, son énergie, sa volonté, son travail, sa persévérance, tout a été inutile"...

Patricia Deschamps, juin 2023


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