L'attrape-cœurs

roman de Jerome David SALINGER

Pocket, 256 p.
Pocket, 256 p.

 

Trois jours avant les vacances de Noël, Holden Caulfield, adolescent de la bourgeoisie new-yorkaise, est renvoyé de son énième collège. Il n'ose pas rentrer chez lui et affronter ses parents qui, cette fois, ne lui pardonneront pas. Alors Holden vagabonde dans la ville entre incertitude et anxiété, allant de rendez-vous décevants en rencontres sordides.

Mon avis :

Je ne gardais aucun souvenir de ce livre que j'ai pourtant dû lire étant jeune. Pas sûr que je garde grand souvenir non plus de ma relecture... C'est un peu comme pour Le petit Prince: c'est un incontournable, mais je n'arrive pas à saisir le sens du texte, le message de l'auteur. Pour moi c'est avant tout une galerie de personnages mettant en avant la superficialité des gens et des relations. Je comprends que Holden se sente "cafardeux et paumé".

 

On le suit pendant les quelques jours où il erre dans New York, n'osant rentrer chez lui annoncer à ses parents qu'il a encore été renvoyé. Visiblement le jeune garçon ne trouve sa place nulle part. Est-ce pour cela qu'il aime mentir ("Une fois que j'ai commencé, je pourrais continuer pendant des heures")? Pour s'inventer une vie intéressante? Mais que recherche-t-il en fait? Il ne semble pas le savoir lui-même. Il recherche la compagnie des uns et des autres, y compris de vagues connaissances, afin "d'avoir avec elles une petite convers' intelligente" mais "pratiquement impossible". Les rencontres s'enchaînent ainsi de déconvenues en déconvenues, entretenant la déprime du personnage (et l'ennui du lecteur).

 

A un moment, on le sent nostalgique de son enfance ("Ce qui était extra dans ce musée c'est que tout restait toujours exactement pareil. Y'avait jamais rien qui bougeait"). Est-ce le cap de l'adolescence qui lui semble difficile? Ce passage où l'on s'éloigne de l'enfant que l'on était sans connaître l'adulte que l'on veut devenir ("Je suis coincé. Je suis vraiment coincé.")? Et en même temps Holden semble garder un souvenir traumatisant "de quelque chose de pervers" qui revient à la surface lorsque son ancien enseignant lui caresse la tête pendant son sommeil ("Ce genre d'emmerde m'est arrivé au moins vingt fois depuis que je suis môme")... Aurait-il subi des agressions sexuelles?

 

Ainsi tout est très confus chez Holden qui donne des rendez-vous auxquels il n'a pas vraiment envie d'aller, qui trouve les types "foireux" mais continue de les fréquenter, qui connaît "un tas d'endroits où aller" sans jamais se décider ("Vous pouvez jamais trouver un endroit qui soit sympa et paisible, parce qu'y en a pas"), qui "aime rien" -surtout pas les conventions sociales qui donnent une vie étriquée- et porte un regard désabusé sur la vie et les gens. Tellement "seul et paumé" ("Avec qui? -Personne. Moi, moi-même et encore moi.") qu'il continue de s'adresser à son frère Allie qui est mort ("Je le sais qu'il est mort. Mais je peux quand même l'aimer, non? Juste parce que les morts sont morts on s'arrête pas comme ça de les aimer, bon Dieu -spécialement quand ils étaient mille fois plus gentils que ceux qu'on connaît qui sont vivants et tout")...

 

Heureusement il y a Phoebe, sa petite sœur. Phoebe illumine sa vie. Elle est curieuse et intelligente. Attachante. Elle le comprend. Avec elle, Holden est heureux ("J'ai cru que j'allais chialer tellement j'étais heureux, si vous voulez savoir"). Après toutes ces heures d'errance, la fillette sera finalement son point d'ancrage. C'est cela qu'il veut faire: "Attraper les mômes s'ils approchent trop près du bord. Je veux dire s'ils courent sans regarder où ils vont, moi je rapplique et je les attrape. C'est ce que je ferais toute la journée. Je serais juste l'attrape-cœurs et tout". Phoebe a autant besoin de lui que lui d'elle. Car au bout du compte, Holden est un ultra-sensible qui s'attache bien plus aux autres qu'il ne le laisse croire: "Faut jamais rien raconter à personne. Si on le fait, tout le monde se met à vous manquer". A chacun d'interpréter cette phrase (et cette œuvre) énigmatique(s) comme il le voudra...

Patricia Deschamps, décembre 2022


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