Kiki de Montparnasse

BD de Catel MULLER (dessin) et José-Louis BOCQUET (texte)

- Et tes seins, c'est de l'art ?

Casterman, 2016, 413 p. (écritures) pour cette édition
Casterman, 2016, 413 p. (écritures) pour cette édition

 

Sa mère partie pour Paris, la petite Alice est élevée par sa grand-mère en compagnie de ses cousins et cousines, eux-mêmes orphelins ou abandonnés par leur père. En dépit de l'amour de la vieille dame, l'enfance d'Alice est misérable. Avec son parrain, contrebandier d'alcool, elle apprend à boire et à chanter dans les bistrots.

 

A douze ans, Alice est envoyée rejoindre sa mère à Paris. Marie Prin place sa fille comme bonne à tout faire dans une boulangerie mais celle-ci se révolte contre les mauvais traitements de sa patronne qui la licencie. Pour compenser cette perte de gains, elle pose chez un sculpteur pour la première fois. Il s'ensuit une brouille violente avec sa mère et Alice se retrouve à la rue.

 

Commence alors une vie d'expédients. Alice, devenue Kiki, fréquente artistes désargentés et semi-maquereaux, et découvre la bohème de Montparnasse.

Mon avis :

Séduite par la biographie de Joséphine Baker, j'ai voulu découvrir ce titre des mêmes auteurs consacré à une personnalité que je ne connaissais pas du tout. Si j'ai trouvé le caractère de Kiki un peu moins attachant que celui de Joséphine et sa vie moins riche, j'ai néanmoins apprécié d'être plongée dans le milieu artistique parisien des années 1920 et de croiser des noms familiers au fil des pages, comme ceux de Modigliani, André Breton, Jean Cocteau ou encore Pablo Picasso.

 

Toute petite déjà, Kiki est une impertinente qui ne se laisse pas faire ("Insolente !"). Il faut dire que la vie ne lui fait pas de cadeau : c'est bien pour se nourrir et se loger que la jeune femme est amenée à poser pour des sculpteurs et des peintres. Et son tempérament joue autant dans sa popularité que son corps "girond". Car "Kiki fait ce qu'elle veut. C'est à prendre ou à laisser !". Son attitude lui vaudra plus d'une fois d'être traitée de "putain", ce dont elle se défendra chaque fois : "Je ne suis pas une traînée, je suis modèle !".

Black and White, 1926, by Man Ray
Black and White, 1926, by Man Ray

C'est ainsi que Kiki devient peu à peu le "modèle préféré" des artistes avant-gardistes de l'époque, voire une muse. Elle rendra même célèbres certains d'entre eux comme le Japonais Foujita. A l'époque Montparnasse est "le centre du monde" et s'y côtoient toutes les nationalités. Kiki s'invite à toutes les fêtes grâce notamment à sa relation avec le photographe Man Ray devenu l'icône surréaliste par excellence avec ses deux clichés Le violon d'Ingres (représenté sur la couverture du livre) et Noire et Blanche. A travers lui est notamment évoquée la querelle retentissante autour du manifeste dada de Tzara. C'est dans ce contexte que Kiki se liera avec le poète Robert Desnos, le parolier des chansons "corsées" qu'elle interprète sans vergogne au cabaret Le Jockey.

 

Mais Kiki mène une vie tumultueuse, entre excès d'alcool et de drogue ("J'ai trop peur de m'ennuyer"), argent qui brûle les doigts et amours tourmentées ("On s'aime pas, on baise !"). La déchéance s'installe au fil des années et quand on la retrouve au début des années 1950, l'égérie a laissé place à une "clocharde"... Une fin bien triste pour une femme qui restera enjouée jusqu'au bout, malgré tout.

 

Patricia Deschamps, février 2018

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