Flipette et Vénère

Bande dessinée de Lucrèce ANDREAE

Sélection du Prix lycéen "Social'BD"

Delcourt, 2020, 336 p. (Encrages)
Delcourt, 2020, 336 p. (Encrages)

Comment la jeunesse envisage-t-elle sa place dans ce monde à l'avenir incertain ?

 

Flipette, c'est Clara. Mesurée et réfléchie, elle est tétanisée, incapable de trouver du sens à sa pratique de photographe.

Vénère, c'est Axelle. Plus prosaïque, elle préfère se retrousser les manches et aller au front.

Les disputes entre les deux sœurs reflètent la souffrance d'une génération qui oscille entre résignation et espoir obstiné. Entre doutes et certitudes, Flipette et Vénère cherchent désespérément à donner du sens à leur petite existence...

(4e de couverture)

L'avis d'Anaïs, 15 ans :

lire le début
lire le début

Graphiquement, cette BD format roman graphique est très sympa avec ses couleurs vives qui changent entre deux scènes, et qui contrastent avec les authentiques photographies en noir et blanc de Clara. Au début, lorsque celle-ci est avec son meilleur ami Guillaume, plein de vie et d'enthousiasme ("Moi, je dis: quand c'est beau, ça me suffit"), les couleurs sont chaudes (rose, jaune). Puis, lorsque Clara part retrouver sa sœur Axelle qu'elle n'a pas vue depuis trois ans (elles sont fâchées), celles-ci deviennent plus froides (bleu, vert).

 

L'intrigue est très politique, sujet que je ne maîtrise pas beaucoup. Je me suis d'emblée identifiée à Clara l'artiste dans sa bulle qui sait qu'il existe toutes sortes de galères dans le monde mais n'y connaît rien ("Les infos ça me dépriiime... Les actus sont tellement plombantes!"). Confrontée à certaines réalités sociales avec sa sœur (les SDF, les réfugiés, la précarité), la photographe découvre (et moi en même temps qu'elle) le quotidien des bénévoles activistes ("Faut résister, ne pas jouer le jeu du grand capital"). Pour elle c'est un véritable choc (j'ai bien aimé la construction des vignettes dans l'épisode de la manif, cela traduit bien le sentiment "d'agression" du personnage): "Ce qui me choque, c'est la violence contenue dans les pancartes et dans les discours, alors qu'ils sont supposés la combattre." Par contre je ne suis pas d'accord lorsqu'elle dit que "on ne devrait pas se mêler de politique": le sujet d'une œuvre artistique fait forcément référence à quelque chose de plus profond qu'on ne croit ("Tout est politique! Que tu photographies un SDF ou un bouquet de fleurs, tu véhicules toujours un discours politique! Plus tu évites le sujet, moins tu y échappes, alors tu ferais mieux d'y réfléchir!").

4e de couverture
4e de couverture

Dans l'association d'Axelle, il y a de sacrées personnalités! Elle-même est surnommée Vénère, "la femme en colère". Axelle est l'exact opposé de Clara, elles appartiennent à deux mondes complètement différents. Axelle, qui "fonce dans le tas", reproche à Clara de ne se soucier que de sa petite personne, ce qui fait à la fois culpabiliser et souffrir cette dernière ("Tu m'énerves à pas me prendre au sérieux"). J'ai trouvé que les émotions, très variées, étaient finement exprimées par les mots et le dessin.

 

Mais Clara va aussi remarquer le côté réducteur du discours tenu par les bénévoles dont les actes viennent souvent contredire les paroles. L'exemple qui m'a le plus marqué est celui de Lémy, qui tient des propos sexistes et a plus d'une fois des gestes déplacés envers les filles (main aux fesses...): "Elles sont belles, tes valeurs! Ah, les riches et les politiques, tu leur en mets plein la gueule, mais alors ceux de ton camp, ils ont tous les droits!". Tout le monde à l'association laisse passer son comportement gênant car ils ont besoin de lui mais pour Clara, hors de question de laisser passer ça. Ainsi le livre aborde ici et là des thématiques plus larges, de petites parenthèses sur d'autres sujets importants, ce que j'ai apprécié.

 

Au bout du compte on comprend que les points de vue des deux héroïnes ont chacun des pour et des contre: "Les militants devraient être irréprochables pour être crédibles. Mais c'est complètement con, parce qu'on vit dans un monde qui ne nous laisse pas le choix.". De leur côté, les artistes ne sont pas si inutiles que ça dans la société, comme le montre le projet final de Clara. Si l'on sent sur la fin tout le mal être d'Axelle derrière sa colère, j'ai trouvé que c'était le personnage de Clara qui évoluait le mieux. Clara est à l'écoute, elle s'investit aux côtés des bénévoles, s'intéresse à ce qu'ils font et pensent. Elle cherche à comprendre ce monde qui lui est étranger et c'est une attitude très positive.

 

J'ai vraiment beaucoup aimé cette bande dessinée et c'est seulement parce que je n'ai pas compris tout l'aspect politique que je n'ai pas mis cinq étoiles!

Janvier 2021


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