Etre garçon : la masculinité à contre-courant

de Karim OUAFFI, illustré par MikanKey

Etre un garçon, ça veut dire quoi exactement ?

Editions du Ricochet, 2024, 173 p.
Editions du Ricochet, 2024, 173 p.

Masato, Youri, Feti, Antoine et Rose sont dans la même classe. Ils sont amis, et pourtant, chacun vit sa masculinité différemment. En nous plongeant dans leur vie d'ados, nous rencontrons toutes les facettes de leur personnalité, mais également les problématiques auxquelles ils doivent faire face dans leur quotidien

 

(4e de couverture)

Mon avis :

Lire le début du livre
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Une BD qui aborde les stéréotypes de genre à partir de situations concrètes et dont la réflexion est ensuite approfondie dans une partie documentaire. Le graphisme est sommaire mais l'ensemble très accessible et complet.

 

Le premier chapitre est consacré à Masoto qui vient de perdre son ami d'enfance: "Lorsqu'il me voit pleurer, mon père me hurle dessus, me dit que je lui fais honte et que je suis une merde". Cette situation permet d'aborder les clichés liés au sexe masculin: un garçon ne montre pas ses émotions (pleurer, être amoureux, avoir peur, etc.), ne demande pas d'aide, ne se maquille pas, etc. La partie documentaire revient sur le privilège masculin et le patriarcat (parfaitement résumés) et insiste sur le fait qu'ils sont uniquement culturels: "En devenant un homme, on a le choix de tirer profit du patriarcat, ou de s'en éloigner"... Autrement dit, de devenir un garçon libre.

 

Youri voudrait être comme tout le monde. Il a peur de la différence... et plus précisément d'assumer son homosexualité car pour beaucoup, "les gays, c'est pas des vrais mecs". Ce chapitre vise à faire comprendre qu'on a le droit d'aimer qui l'on veut, de toute façon "il y aura toujours quelqu'un pour être méchant ou stupide. Il ne faut pas les écouter". Il s'agit de casser le modèle (le diktat !) de l'homme dominant et hétérosexuel. Un homme peut être sensible, fragile, doux, frêle sans pour autant perdre ou voir sa masculinité disparaître. L'auteur invite les jeunes à l'ouverture d'esprit et à la tolérance. On n'est pas obligé de correspondre à la norme.

Okapi n°1195
Okapi n°1195

En fait, dans la classe, ce sont toujours les deux mêmes garçons qui posent problème ("T'as que ça à faire, te moquer des autres?"). Soutenu par son copain, Feti osera s'opposer à Ishan ("On veut plus t'obéir. On n'a plus peur de toi."), mais sans violence, contrairement à ce qu'on l'encourage à faire ("T'es un mec, bats-toi"). Là encore, il s'agit de casser les représentations et l'auteur insiste sur le rôle des parents: éduquons les petits garçons loin des valeurs virilistes au lieu d'encourager le culte de la violence (jouer à la bagarre, courir et grimper partout, etc.). Malheureusement ceux-ci reproduisent bien souvent des schémas: "en France, chaque semaine, un enfant meurt sous les coups de ses parents"...

 

Antoine est celui qui doute ("Je n'ai aucune confiance en moi"). Comment se comporter avec les filles? "Ce n'est pas parce que tu payes un truc à une fille qu'elle va vouloir devenir ta copine"... Cette partie aborde le porno: attention, "c'est pas comme ça dans la vraie vie"! J'ai trouvé très pertinent d'aborder la découverte de son corps (qui change) et de la sexualité. L'auteur met en garde quant aux standards (les modèles féminins et masculins véhiculés): "La beauté d'un être humain repose sur bien d'autres qualités, comme la sensibilité, la gentillesse ou l'humour", et il alerte sur le culte de la performance (attention au consentement!) c'est-à-dire la consommation de la sexualité en dehors de tout sentiment. La prise de conscience de la domination masculine doit ainsi s'étendre aux relations amoureuses.

 

Le dernier chapitre a le mérite de donner la parole à Thiago, l'un des deux adolescents à jouer les gros durs ("Tu vois, t'arrives à être gentil quand tu veux! Pourquoi t'es pas comme ça au collège?"). Quant au personnage de Rose, il est très intéressant car il défend l'idée de "enfin être qui je veux", à savoir "un garçon" malgré son corps de fille. "Mais pas n'importe quel genre. Un gars bienveillant, respectueux."

Le livre se clôt ainsi sur une masculinité positive. On peut même dire qu'au bout du compte, fille ou garçon, il n'y a pas de règle: le tout est de vivre "heureux ensemble"!

Patricia Deschamps, juin 2025

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