On les racontait à la veillée, pendant les travaux des champs, à la fin des banquets, à la cour du roi, car que l'on soit paysan ou souverain, au Moyen Age, on aime inventer, raconter et surtout écouter des histoires.
Les troubadours et les trouvères en sont les colporteurs à travers villages et châteaux. Ainsi se transmettait-on, de génération en génération, les contes et légendes. On les améliorait, en les enjolivait, on les mimait, on les jouait différemment selon son public et parfois même souverains et hommes d'Eglise s'en servaient pour instaurer des croyances, tant et si bien que certaines de ces histoires ont fini par s'insinuer dans la mémoire collective.
En ce temps-là vivait près de la ville de Sylène en Lybie un dragon qui terrorisait tout le royaume.
Il exigea des brebis à dévorer tous les jours sous peine de tout dévaster. Mais la bête était si vorace que les brebis vinrent à manquer ! Le dragon réclama alors que des jeunes gens lui soient
sacrifiés à la place. Mais un jour le sort désigna la fille du roi...
Il y a fort longtemps vivait un riche paysan qui aimait tant son fils unique que, lorsqu'il se maria, il lui donna tout ce qu'il possédait. Son fils eut lui-même un garçon qu'il prénomma Louis. Le grand-père et le petit-fils s'entendaient à merveille. Tout alla pour le mieux jusqu'aux dix ans de l'enfant. Il entendit en effet un jour ses parents prendre une grave décision : "Les temps sont durs", déclara sa mère à son père, "et ton père nous coûte cher alors qu'il nous aide de moins en moins à la ferme. Il doit partir de la maison, c'est la seule solution !". Atterré, le petit garçon se dit qu'il fallait aider son grand-père...
Le mouton d'un troupeau décida un jour de partir pour bêler en liberté. Bien élevé, il passa cependant faire ses adieux au berger. Mais il ne vit personne. Par contre, il découvrit une peau de loup accrochée sur un mur, sans doute un trophée de chasse. Il eut alors une illumination : lui qui voulait changer de vie, pourquoi ne deviendrait-il pas un loup ?
C'était l'hiver et le ventre d'Ysengrin le loup criait famine. Il n'y avait plus rien à manger aux alentours, comme si toute la nourriture avait disparu sous la neige ! C'est alors que Renart vint à passer. "Vous allez voir, cher compère", dit-il à Ysengrin, "je connais un coin où la glace est brisée... Vous y trouverez gardons et anguilles à volonté !" Il montra au loup comment pêcher en accrochant un seau à sa queue. "Faites un bon nœud pour ne pas perdre le seau en remontant !" conseilla-t-il, "Et surtout ne bougez pas." Ysengrin obtempéra et attendit. Mais avec le froid de la nuit, l'eau gela peu à peu...
Il était une fois un berger qui s'appelait Léandre. Il gardait ses moutons au coeur de la grande lande. C'était un endroit désert où l'on entendait parfois, selon la légende, des voix étranges sous le sable de la dune. Le berger savait que c'était vrai. D'ailleurs, par une belle nuit d'été, il entendit : "Viens ! N'aie pas peur... Nous ne te voulons aucun mal..."
En ce temps-là, prenant l'apparence d'un fort beau et jeune galant, le Diable trompait son éternel ennui en chassant la tendre pucelle. Mais il ne restait jeune et beau que le temps d'une étreinte, car la volupté bue, il se débarrassait des donzelles en leur révélant sa terrifiante et véritable nature ! Or un jour il cueillit une très jolie Marguerite avec qui rien ne se passa comme d'habitude... Cette étrange fille, qui n'avait pas peur du Diable, commença à parler, rien ne semblant pouvoir l'interrompre...
Mon avis :
Un ouvrage très complet, associant des contes sous forme de bandes dessinées à des pages documentaires qui les introduisent. Les thèmes abordés sont très variés : la famille, les croyances et superstitions (licornes, fées, représentations du loup, du Diable), l'alimentation, le travail du textile, le mode de vie des chevaliers, la toute-puissance de l'Eglise... Il n'y a pas suffisamment matière à réaliser un exposé mais l'ensemble donne une vision plutôt exhaustive de l'époque médiévale.
Les seize contes, assez courts, sont illustrés par des artistes chaque fois différents, ce qui offre des styles très divers. Rien d'extraordinaire cependant, certaines bandes dessinées étant même grossières voire franchement moches, manquant de nuances (dans le trait, les couleurs...). D'un autre côté l'essentiel n'est pas là, il s'agit de mettre les coutumes médiévales à la portée de tous et le pari est réussi ! La plupart des histoires sont drôles, tout particulièrement Peau de loup au texte décapant (le mouton rebelle s'exclamant : "Yes we can !", j'adore) et au graphisme particulièrement expressif. J'ai personnellement eu une préférence pour Le fils ingrat, un récit touchant que je connaissais déjà sous forme de fabliau.
Enfin, chaque conte se conclut par une petite maxime pleine page (à la manière de la morale dans les Fables de La Fontaine) : "Qui convoite trop perd tout", "Qui trompe l'autre finit toujours par le payer un jour.", "La plus belle richesse est celle que tu as au fond de toi.", "Par la ruse, on peut prendre un lion. Par la force, pas même un grillon." et la célébrissime "L'habit ne fait pas le moine." Comme quoi nous devons beaucoup à cette période de l'Histoire !
Patricia Deschamps, décembre 2014