On parle beaucoup des enfants précoces, mais que deviennent-ils une fois adultes ? Birdo, brillant chef de restaurant, discret et solitaire, sait qu'il est surdoué depuis tout petit. Raya, prise dans une vie qu'elle sabote inconsciemment, cherche des réponses dans son diagnostic tout récent de «Haut Potentiel Intellectuel». En confrontant leurs expériences, ces deux êtres singuliers vont repenser leur rapport à la douance.
(4e de couverture)
Mon avis :
C'est une bande dessinée passionnante et instructive dans laquelle les explications sur les HPI sont insérées dans un récit, ce qui permet de comprendre les implications au quotidien ainsi que dans les interactions avec les autres. Aux informations scientifiques s'ajoute le ressenti de la personne HPI, l'autrice s'efforçant de contrer les préjugés qui font qu'il est difficile d'en parler avec les autres (on peut être considéré comme un·e arrogant·e ou bien une "bête curieuse"). Les deux personnages sont touchants dans leur détresse et je pense sincèrement que cet album peut changer le regard que l'on porte sur les enfants précoces et les adultes surdoués.
"Ma tête est un ciel qui scintille en permanence", explique Birdo, "ça ne s'arrête jamais": le cerveau d'un HPI traite beaucoup plus d'informations en même temps, ce qui lui apporte de meilleurs facultés d'apprentissage mais aussi plus de pensées envahissantes! D'autant que son hypersensibilité sensorielle lui fait capter toutes sortes de données sur son environnement, au même niveau d'importance ("Je suis obligé de tout écouter en même temps, mon cerveau ne fait pas le tri"). Sans oublier "l'empathie d'une éponge" qui le rend hyper attentif aux petits détails et aux micro-expressions émises par ses interlocuteurs.
Si le HPI a un "cerveau brillant qui apprend vite" et lui donne plusieurs années d'avance dans certains domaines (passions, raisonnement), il est "complètement largué" sur le plan émotionnel et social, ce qui fait qu'il a beaucoup de peine à s'intégrer, se sentant profondément différent (et mal compris). Il n'est pas rare qu'il soit harcelé étant jeune, qu'il tombe dans la dépression. A force de vouloir s'adapter, Birdo a fini par faire semblant, n'osant plus être lui-même. A force de "donner aux gens sans réserve", il est devenu celui sur qui on compte tout le temps et c'est épuisant. Son moi se fissure.
Raya présente un autre profil de HPI. Elle peine à maîtriser ses émotions, a le syndrome de l'imposteur, se dévalorisant constamment et doutant d'elle-même. Grâce à leurs longues discussions, elle va réaliser qu'elle n'a pas un trouble: ses facultés sont une ressource lui ouvrant une multitude de possibilités ("Etre surefficient n'est pas un problème. C'est un fonctionnement comme un autre").
La difficulté, c'est d'être 2,2% ("On se sent parfois un peu en décalage")... Mais plutôt que de se fondre dans la masse, ne vaut-il pas mieux s'accepter et se montrer tel que l'on est?
Patricia Deschamps, avril 2025