Bonjour tristesse

roman de Françoise SAGAN (1954)

Nous avions tous les éléments d'un drame : un séducteur, une demi-mondaine et une femme de tête.

Hachette, 2015, 158 p. (Bibliocollège)
Hachette, 2015, 158 p. (Bibliocollège)

 

 

Cécile a dix-sept ans. En vacances avec son père, veuf qui se satisfait d’une aventure sans lendemain avec la jolie Elsa, elle découvre l’amour dans les bras de Cyril, un charmant étudiant. Mais l’arrivée d’Anne, une femme belle et intelligente, vient déranger ces délicieux moments d'insouciance.

 

(4e de couverture)

 

En photo : Jean Seberg dans le film réalisé par Otto Preminger en 1958.

Mon avis :

Ce roman est le tout premier texte écrit par Françoise Sagan, rédigé durant l'été 1953 alors qu'elle n'a que dix-huit ans. Publié l'année suivante, il connaît aussitôt un immense succès bien que (ou parce que?) son héroïne fasse scandale pour l'époque. La jeune Cécile, du haut de ses 17 ans, revendique en effet une vie libre, de plaisirs, loin de toute contrainte, y compris scolaire. Après dix ans passés en pension, elle partage une vie de bourgeoise bohème avec son père veuf qui l'emmène partout avec elle, y compris dans les soirées d'où ce séduisant quadragénaire revient rarement seul.

 

Le récit, écrit à la 1ère personne, est rétrospectif. On comprend qu'un drame familial a eu lieu mais à aucun moment je n'ai soupçonné l'ampleur de ses conséquences... Cécile alterne les souvenirs de cet été en bord de Méditerranée constitué de "la paresse, le soleil et les baisers de Cyril", et quelques réflexions sur son état d'esprit et l'enchaînement des événements (réfléchir n'est pas son fort). Désinvolte, elle donne l'impression d'une petite égoïste qui ne se préoccupe que de sa personne et prend tout à la légère.

 

Anne, ancienne amie de sa mère décédée, est tout l'opposé de Cécile et de son père. Invitée à les rejoindre en vacances par ce dernier malgré la présence de sa compagne du moment Elsa, Anne va venir, plus ou moins malgré elle, perturber l'équilibre familial. Intellectuelle élégante et distinguée, elle ne tarde pas à évincer Elsa la mondaine. Mais sa présence bouleverse également la complicité père-fille ("Il m'abandonnait"). Cécile se sent trahie, et pire, "à la merci" de cette femme qui vient imposer "l'ordre, la vie bourgeoise, organisée" dans leur quotidien ("L'ère de la débauche facile était finie").

 

Un rapport de force psychologique s'établit entre les deux femmes. Une certaine tension s'instaure dans le récit mais qui, selon moi, finit par retomber: on attend l'issue de toutes les "basses petites manœuvres" de Cécile pour se venger et elle se fait un peu attendre. On sent la jeune fille très partagée: après tout, Anne est une femme agréable aux sentiments sincères. Elle pourrait apporter à leur vie l'équilibre et la stabilité qui lui manque. Elle ne mérite peut-être pas un tel acharnement ("Ce visage, c'était mon œuvre"). Et pourtant...

Je ne sais pas ce qui est le plus terrible dans cette histoire: le dénouement... ou bien la vie qui reprend comme si de rien n'était ("Vous n'avez besoin de personne")... En tout cas le texte est fort et les thèmes (triangle amoureux, relation père-fille, jalousie, définition de l'amour) toujours aussi pertinents.

 

Patricia Deschamps, août 2021


♦ Adaptation BD de Frédéric REBENA

Rue de Sèvres, 2018, 96 p.
Rue de Sèvres, 2018, 96 p.

Mon avis (★★★) :

 

Attention cet album commence par le dénouement alors mieux vaut commencer par l'œuvre originelle! C'est un peu dommage d'ailleurs, je trouve que l'histoire y perd en intensité. Ce qui est intense, par contre, c'est le coup de crayon noir (parfois épais comme du fusain) qu'utilise l'auteur: cela donne un graphisme particulier auquel j'ai eu du mal à adhérer. Je pensais même, sur la couverture, que Cécile portait un bonnet de bain tant sa coiffure ressemble à un casque, sans jamais aucun mouvement de chevelure!

 

Feuilleter le début de l'album
Feuilleter le début de l'album

Côté scénario, j'ai trouvé l'héroïne plus machiavélique (Elsa se laisse facilement manipuler, Cyril "n'est qu'un jouet dans ce roman-photo" et Anne ne voit rien venir), et sa relation avec son père plus intime. Le fait que celui-ci expose sans pudeur son désir pour les femmes m'a semblé un peu choquant, et en même temps cohérent avec sa hantise de vieillir (il veut prouver qu'il est toujours à la hauteur). On voit bien aussi dans cette adaptation BD que Cécile "mène une vie qui n'est pas de son âge". J'ai bien aimé la mise en abyme de l'écrivain: Cécile est en train d'écrire l'histoire qui se déroule sous ses yeux, tout comme Sagan a sûrement livré, on le sent en le lisant, des ressentis personnels dans son récit. Enfin, comme dans le roman, la tristesse qui donne son titre à l'œuvre m'a paru un sentiment bien faible au regard des événements décrits...

Patricia Deschamps, août 2021


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