Bien trop petit

roman de Manu CAUSSE

Un bon amant, ça doit être un peu plus qu'un sexe.

Grégoire est à deux doigts de ne plus jamais sortir de sa chambre. Tout, plutôt que retourner au lycée où un camarade de vestiaires s’est moqué de la taille de son sexe.

L’adolescent en est à présent persuadé : sa vie est fichue, il finira seul – et sans doute puceau. Il se plonge alors dans le seul plaisir qu’il lui reste : l’écriture. Max Egrogire et Chloé Rembrandt, ses personnages de fanfiction, lui font oublier sa détresse.

Mais leurs aventures imaginaires attirent l’attention. Une "correspondance exclusive - sexclusive, même", se tisse avec un·e certain·e Kika93.

Mon avis :

Je découvre la collection "L'Ardeur" qui propose aux adolescents "des textes qui parlent de sexualité, de désir, de fantasme". Celui-ci a fait l'objet d'une polémique (il a été interdit à la vente aux moins de 18 ans par le ministère de l'Intérieur). C'est dommage, je trouve, de priver les jeunes de la possibilité de se créer leur propre imaginaire sexuel (plutôt que de se cantonner au visionnage de sites pornographiques), qui plus est avec un auteur jeunesse de qualité.

 

Mais là n'est pas la question. Le sujet essentiel du roman, c'est la perception de son corps, à un âge où, qui plus est, on doute et complexe beaucoup. A cela s'ajoute l'humiliation publique d'une situation de harcèlement, l'ignoble Antoine se moquant ouvertement en classe de la taille du sexe de Grégoire ("Je suis le souffre-douleur de la seconde 7"). Cela provoque chez celui-ci des problèmes d'épidimytes, c'est-à-dire une inflammation au niveau des testicules, qui est sûrement une "façon de dire, de montrer en somatisant, que quelque chose te les brise".

 

Grégoire prétexte ces douleurs pour ne plus aller au lycée. Ses parents tentent de comprendre ce qui se passe mais le dialogue n'est pas simple sur ce genre de sujet, même lorsque l'on a des parents bienveillants et ouverts d'esprit. Leurs propos auront néanmoins l'effet d'un baume sur le cœur de leur fils.

 

Mais dans l'immédiat, ce qui soulage l'adolescent, c'est de se consacrer à l'écriture de son fanfiction que quelques e-lecteurs suivent avec intérêt. Grégoire ose alors faire ce qui le bloque IRL: exprimer cette tension sexuelle qui l'habite et qu'il a peur de ne jamais pouvoir partager avec une fille du fait de son petit attribut. Ses textes se font érotiques, voire pornographiques, ce qui peut effectivement choquer les jeunes lecteurs non avertis. Pour ma part, j'ai trouvé à un moment que ces passages de l'intrigue prenaient trop de place au détriment de la réflexion du personnage.

 

Ses textes, Grégoire les envoie à Kika93 avec qui il entretient un échange débridé par mail ("Je sèche le lycée pour écrire des romans de cul à une fille dont je ne sais rien"). Cette libre parole lui fait réaliser que depuis des années, "je m'oblige, on m'oblige, à rentrer dans le rang, à être comme les autres. Et j'en ai marre. J'en ai plein les couilles".

Quant à la sexualité, "pas de mode d'emploi universel. C'est à chacun de se connaître, de s'accepter - et dans un couple (...) apprendre à connaître l'autre, à le rencontrer, à le respecter. A partager, de personne à personne. Il faut faire attention à soi et faire attention à l'autre". Tout un programme que Grégoire est désormais prêt à oser en transformant une découverte virtuelle en rencontre réelle. Peut-être ses espoirs seront-ils déçus... Cependant il en a à nouveau, et c'est essentiel pour aller de l'avant.

Patricia Deschamps, février 2024

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