Au nom de Chris

Quand on commence ce roman, on ne sait pas trop à quoi s'attendre parce que la quatrième de couverture est énigmatique. Elle mise plutôt sur le style et c'est vrai qu'on est happé par le texte qui est parfois scandé. Je n'ai pas compris tout de suite qu'il y avait deux narrateurs: le principal, Adrien, et le mystérieux Chris qu'il rejoint la nuit dans la forêt quand il n'arrive pas à dormir. On se demande même si ce Chris n'est pas imaginaire, ou tout au moins une petite voix intérieure cherchant à redonner confiance et courage à Adrien ("Quand Chris me parle, ça me calme. Sa voix me rassure. J'ai l'impression que Chris me comprend. Il sait ce que je ressens, sans que j'aie besoin de lui parler"). On comprend en effet que l'adolescent est harcelé au collège par un certain Geoffroy. Sûrement avait-il jusque là le soutien de son amie Judith mais Judith a déménagé, le laissant seul avec ses peurs.

J'avoue que mon intérêt est quelque peu retombé avec cette énième histoire de harcèlement. D'un autre côté, j'avais envie de voir comment la situation allait évoluer. Il y a en effet une certaine tension qui laisse pressentir un drame à venir.

On voit Adrien changer au contact de Chris ("Faut te défaire de ton ancienne peau"), cela se ressent surtout dans les dialogues avec sa mère qui se font de plus en plus agressifs. Bien qu'elle soit surprotectrice et s'angoisse pour un rien, Adrien adore sa mère, ce "délicieux cocon" auquel s'oppose "la cour de récré pleine de menaces". Mais Chris attise la haine en lui ("Un jour ou l'autre, tu te retrouveras seul au monde. Et il faudra faire avec").

Objectif: "Endurcis-toi". Apprendre à survivre dans la nature, pourquoi pas. Se mettre aux arts martiaux, cela donne de l'assurance. Mais peu à peu, Chris devient toxique avec ses idées... Adrien finira par en prendre conscience lors d'un ultime et désastreux week-end ensemble ("Chris a perdu toute son aura").

Dès lors, c'est un Adrien transformé qui renaîtra, à la fois fort de ce qu'il est et de ce qu'il a, et ouvert au devenir: "Je me sens léger. Je n'ai plus peur. Ma mère m'attend. Je suis chanceux. Je suis vivant. Je marche vers mon avenir plein de mystères et de possibles".

Patricia Deschamps, juin 2023