Appelez-moi Nathan

BD de Catherine CASTRO (scénario) et Quentin ZUTTION (illustrations)

- Toi, Lila, c'est pas pareil.

Payot et Rivages, 2018, 144 p.
Payot et Rivages, 2018, 144 p.

Lila coule une enfance parfaite jusqu'au jour où son corps fait des siennes et crie à tout le inonde qu'elle est une fille. Lila est seule à savoir qu'elle est un garçon. Ce corps étranger, cette identité féminine, ça ne va pas être possible.

 

Devenir "il" aux yeux de tous, corriger les résultats de la loterie génétique pour être enfin lui-même, va être son combat. On n'imagine pas, comment l'imaginer, ce qu'une telle décision représente ; ce qu'il faut de bravoure, de ténacité, pour y parvenir.

 

Appelez-moi Nathan est la fiction d'une très belle histoire vraie.

(4e de couverture)

Mon avis :

Ne vous fiez pas aux magnifiques aquarelles de cette bande dessinée, aux couleurs lumineuses et à l'absence d'encadrement de vignettes (Nathan est "hors cadre"!), elle est très violente psychologiquement et physiquement. On y ressent le mélange intense de colère et de détresse du jeune héros face à ce corps en pleine puberté qui lui fait pousser des seins et couler des règles alors que tout son être lui crie qu'il est garçon ("Je me dégoûte"). La frustration à être considéré comme une fille alors qu'il a toujours préféré traîner avec ses potes, parler comme eux, s'habiller comme eux (au grand désespoir du petit frère Théo à qui il pique ses vêtements!). Se pose également la question de la sexualité, puisque Nathan est attiré par les filles, à commencer par sa cousine Faustine: "T'es lesbienne? - Nan, je suis un garçon".

 

En réalité, il est plus facile pour Nathan de faire accepter son identité réelle par ses ami(e)s, qui l'ont toujours considéré comme un garçon, que par ses parents. Certains passages adoptent le point de vue de la mère ("Je ne te comprends pas. Je ne sais pas ce qui t'arrive. Je ne sais pas comment t'aider."), du père ("Tout ça c'est mystérieux, compliqué. Mais c'est pas une maladie.") ainsi que de Théo ("T'excuse pas."), et l'on voit que la situation est difficile et douloureuse pour chacun d'entre eux aussi. Nathan va devoir faire comprendre que ce n'est pas une "crise d'ado", même si le dialogue a beaucoup de mal à s'instaurer. L'adolescent se braque, peinant à mettre des mots sur ce qu'il ressent, et certaines scènes peuvent choquer de par leurs images et leurs propos crus ("Je suis attiré par les filles. J'aime leur cul, leurs seins, leurs cheveux.", "Tu vas te faire opérer de la chatte? Genre te greffer une bite?!"). On y voit l'obsession de Nathan pour ces seins qu'il voudrait arracher, et un peu plus loin, les détails des différentes opérations envisagées pour transformer son corps.

 

Car l'apaisement viendra par le médical (psychiatre, endocrinologue), quand les parents accepteront enfin de soutenir concrètement la démarche de leur fils ("Tu veux devenir un garçon? - Je suis un garçon."). On notera aussi (pour une fois!), le soutien du corps enseignant ("Les profs sont cool avec moi. Je crois qu'ils ont compris.") souvent malmené dans ce genre d'histoire. J'ai aussi été agréablement surprise d'apprendre qu'au niveau de l'état civil, le changement de sexe était facilité grâce à une loi récente. Et puis l'avantage quand on est un garçon "élevé comme une fille", c'est que l'on est "moins macho du coup"!

Patricia Deschamps, novembre 2019


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