Annie au milieu

roman d'Emilie CHAZERAND

Annie est toute ta vie. Mais Haro et Velma ?

Sarbacane, 2021, 300 p. (X'prime)
Sarbacane, 2021, 300 p. (X'prime)

Velma et Harold sont le frère et la sœur d’Annie.

Annie est « différente ». C’est comme ça que les gens polis disent. Elle a un chromosome en plus, le 21. Et de la gentillesse, de la fantaisie, de l’amour en plus, aussi. Elle a un travail, des amis et une passion : les majorettes.

Et Annie est très heureuse parce que, pour la première fois, sa troupe aura l’honneur de défiler lors de la fête du printemps de la ville. Mais voilà, l’entraîneuse ne veut pas d’elle pour cet événement: elle n’est pas au niveau, elle est dodue… Bref : elle est « différente ».

C’est bête et méchant. Ça mord Annie et les siens, presque plus. Alors, qu’à cela ne tienne : Annie défilera, avec son équipe brinquebalante, un peu nulle mais flamboyante.

Ses majorettes un peu barjo. Ses barjorettes, quoi.

 

(4e de couverture)

 

Mon avis :

Ce que j'ai aimé dans ce livre, c'est que le point de vue ne se réduit pas à la seule personne handicapée, Annie, mais donne également voix à son entourage proche, à savoir son grand frère Harold et sa benjamine Velma. L'autrice adopte trois styles différents pour chacun d'eux, judicieusement adaptés à leur personnalité: enfantin et joyeux pour Annie la trisomique, poétique pour Velma l'artiste introvertie et vaguement désabusé pour l'aîné complexé.

 

On comprend dès le départ que si Harold et Velma adorent leur sœur, elle ne rend pas leur quotidien facile car toute la vie de famille et l'attention de leurs parents sont tournées vers elle. Non pas qu'ils soient jaloux, mais ils ont leurs propres difficultés et du mal à trouver leur place.

Ainsi, Velma se fait la plus discrète possible, au point d'être devenue une "invisible sociale", une fille que personne ne remarque jamais. Harold a des difficultés scolaires que ses parents n'ont jamais pris la peine d'affronter, déjà accaparés par les rendez-vous médicaux d'Annie (la passion de Velma pour le dessin, "c'est dans une salle d'attente que cette obsession est née"). L'un comme l'autre n'osent pas exprimer leur détresse, préférant la cacher... tout en étant conscient que ce n'est pas une solution.

 

A travers les mots touchants de Velma et Harold, on découvre également la fatigue des parents, souvent eux-mêmes dépassés. J'ai beaucoup aimé le personnage de la Mamie, complètement déjantée mais qui cache aussi une certaine détresse. Tout est exprimé en nuance et en sensibilité. Et comme toujours avec Emilie Chazerand, avec humour!

La bonne humeur d'Annie est parfaitement rendue, et communicative! C'est un projet complètement fou qui va réunir la famille (au sens large, car se trouvent embarqués Dolorès, une camarade de lycée de Velma, Camille qui sort avec Harold, ainsi que Hui et sa mère, les Chinois qui ont embauché Annie dans leur magasin). Au départ tout est compliqué ("On est chacun derrière un mur, on essaie de communiquer à travers") mais petit à petit, les sentiments s'expriment ("Etre lui-même, enfin") et les choix s'assument ("J'apprivoise ma timidité, je domestique mes inhibitions").

 

Au final, pour faire plaisir à Annie certes, les Desrochelles se retrouvent "tous ensemble, en même temps, en train de faire la même chose"... et ils réalisent que cela n'arrive pas si souvent. Ainsi le handicap, s'il est une épreuve, peut aussi souder une famille. Annie prend beaucoup de place mais la partage volontiers. Et surtout, elle rayonne comme un soleil, réchauffant les cœurs, et ça, c'est précieux.

 

Patricia Deschamps, janvier 2022


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