A l'ouest rien de nouveau

roman de Erich Maria REMARQUE

Une déclaration de guerre [devrait se dérouler] dans une arène, avec les ministres et les généraux des deux pays. En caleçons de bain et armés de gourdins, ils devraient s'élancer les uns sur les autres. Le pays de celui qui resterait debout le dernier serait le vainqueur. Ce serait un système plus simple et meilleur que celui où ce ne sont pas les véritables intéressés qui luttent entre eux.

Le livre de poche, 253 p.
Le livre de poche, 253 p.

« Quand nous partons, nous ne sommes que de vulgaires soldats, maussades ou de bonne humeur et, quand nous arrivons dans la zone où commence le front, nous sommes devenus des hommes-bêtes… »

 

Témoignage d’un simple soldat allemand de la guerre de 1914-1918, ce roman réaliste connut, dès sa parution en 1928, un succès mondial retentissant. Il reste l’un des ouvrages les plus forts dans la dénonciation de la monstruosité de la guerre.

 

(4e de couverture)

L'avis d'Anaïs, en 3e :

C'est un livre touchant, qui raconte la Première Guerre mondiale par quelqu'un qui l'a vécue. Au début j'ai eu du mal avec les noms allemands, heureusement souvent raccourcis, et avec le sens de certaines phrases ainsi que le vocabulaire qui n'étaient pas forcément les mêmes à l'époque. Les premiers chapitres sont difficiles à lire mais ensuite on s'attache aux personnages, qui forment un groupe soudé, et quand ils commencent à mourir les uns après les autres, on se sent triste.

 

Le narrateur est très jeune quand il est mobilisé, il a 18 ans, et il restera jusqu'à la fin de la guerre deux ans plus tard. Je l'ai trouvé très courageux, certaines scènes sont franchement morbides avec des cadavres partout, des corps déchiquetés, les énormes trous d'obus ("entonnoirs") qui laissent le paysage désolé. Certaines scènes d'action sont si denses que je n'arrivais pas à tout suivre, ayant l'impression qu'il se passait plein de choses en même temps. On imagine bien ce que les soldats pouvaient ressentir dans ces situations! Il y a aussi un passage horrible où ils restent plusieurs semaines dans une tranchée à mourir de faim au milieu des rats. Les nouvelles recrues en deviennent folles!

 

Le roman adopte le point de vue allemand et c'est très bien parce que l'on se rend compte que les ennemis ont vécu la même chose que nous. Quand les Allemands se trouvent cernés par les Américains, on devrait se réjouir mais en vérité on est triste car on sait que pour eux, c'est la fin.

C'est un livre très intéressant sur la Grande Guerre.

Avril 2020

Mon avis :

Emballée par l'avis d'Anaïs, je découvre à mon tour ce témoignage de 1914-18 côté allemand. On oublie d'ailleurs vite qu'on est dans le camp ennemi tant les préoccupations et les inquiétudes sont semblables à celles des poilus français. Paul raconte son quotidien dans les tranchées, alternant doléances, souvenirs, pensées et scènes de camaraderie. Il s'est engagé en même temps que ses copains de classe et la petite bande ne manque aucune (rare) occasion de s'amuser, aux dépens du caporal Himmelstoss par exemple, ou encore de leur ancien instituteur, Kantorek, contre qui certains ont bien des griefs! L'alternance de descriptifs, parfois drôles, et de réflexions (sur la guerre, l'amitié, la vie) rend le récit très fluide malgré le sujet et donne une idée précise de l'état d'esprit de ces soldats qui n'ont jamais demandé à faire la guerre...

 

Ils ont 19-20 ans ("envoyés à la guerre au seuil de l'existence"...), on leur a volé leur jeunesse et ils n'arrivent plus à envisager un avenir... Leurs journées sont remplies de peur, de faim, du vacarme du feu, de maladie, de souffrance, d'angoisse, de mort. Certains épisodes sont terrifiants (les rats si gros qu'ils dévorent chats et chiens, les attaques meurtrières sur le front qui déciment le régiment, les blessés agonisant des heures sur les champs de bataille et dans les hôpitaux), d'autres sont franchement émouvants (les chevaux qui succombent sans comprendre ce qui leur arrive, les prisonniers russes déshumanisés, les villageois expulsés de leur village bombardé...).

 

L'écriture est accessible et le récit est une bonne première approche de cette période tragique. Celui-ci fait des va-et-vient entre passé et présent, nous menant jusqu'à l'automne 1918, à l'aube de l'armistice. Ces trois années de conflit ont transformé, traumatisé Paul: "Ces choses-là ont été mais elles ne reviendront plus. Elles font partie d'un autre monde pour nous révolu". Même les permissions auprès de sa famille n'arrivent plus à le raccrocher à sa vie d'avant ("Il y a un voile et un intervalle entre ma personne et les choses"). Dès lors quelle vie peut-on espérer? La fin, touchante et poétique, est à l'image du roman: un hommage à la génération sacrifiée.

Patricia Deschamps, octobre 2020


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