Ogresse

roman d'Aylin MANC0

Il y a ma rue, et il y a l'école; ce n'est pas le même monde. Le bus, c'est la frontière entre les deux. Les soucis qui m'assaillent à l'école se dissolvent dès que je descends du bus, ceux de la rue partent en fumée quand j'y monte.

Sarbacane, 2020, 274 p. (X'prime)
Sarbacane, 2020, 274 p. (X'prime)

 

Depuis que le père d'Hippolyte est parti, tout dans la vie de la jeune fille est déséquilibré. Sa mère s'enferme de longues heures à la cave et refuse de manger en sa présence. Elle lui prépare pourtant d'énormes pièces de viande qu'Hippolyte se force à avaler. Dans la rue où elles habitent, en bordure de forêt, leur voisine a disparu sans laisser de traces... Et puis un soir, la mère d'Hippolyte se jette sur elle et la mord.

 

(4e de couverture)

Mon avis :

Je ne sais pas trop que penser de cette lecture. Dans la première moitié du roman, il est très peu question d'ogresse. Certes la mère d'Hippolyte a un comportement étrange (que fabrique-t-elle dans la cave avec ses couteaux?) et la vieille dame d'à côté, Mme Munoz, a subitement disparu. Mais il est surtout question du quotidien de la jeune fille, devenu difficile depuis que ses parents se sont séparés. Elle s'interroge sur les relations familiales, l'amitié (pour Benji, pour Lola), l'amour (pour Kouz), l'adolescence qui change les rapports aux gens et aux choses. Rien n'est évident avec ceux qui l'entourent à cause du manque de dialogue, des mensonges (aux autres et à soi-même) et "des secrets à l'intérieur qui me bouffent". 

 

Contre toute attente, des liens se tissent avec Lola la pestiférée du lycée. Elle aussi vient d'une famille monoparentale, et son père n'est guère plus loquace que la mère d'H, surtout concernant cette morsure à la joue que sa mère lui a faite petite. La morsure, autre point commun entre les deux filles qui finiront par s'avouer "à quel point on pouvait avoir peur de ses propres parents"... Le mot "cannibalisme" n'est pas prononcé mais tous les indices y tendent, créant une atmosphère de suspicion et d'appréhension mêlées. Les scènes où la mère d'Hippolyte l'oblige à manger des abats quasi crus sont écœurantes (végétariens s'abstenir). Et pourtant, même quand on la voit tenter de résister (ou pas) à l'odeur du sang frais, on doute encore que cela soit possible tant l'idée est difficilement concevable dans "la vraie vie".

 

On a en effet l'impression de se trouver dans un conte, avec sa pièce interdite (la cave), son monstre (l'ogresse), sa forêt morose en journée mais si inquiétante la nuit venue, et toujours cette façon de s'exprimer par métaphores afin de suggérer plutôt que de révéler et ainsi faire travailler l'imagination du lecteur. La plupart du temps on devine plus qu'on ne voit et c'est ce qui entretient l'étrangeté au cœur de la réalité.

L'ensemble est particulier mais on devine chez cette jeune autrice ayant écrit sous la direction de Clémentine Beauvais en master de Création littéraire, un talent prometteur.

Patricia Deschamps, janvier 2021

adaptations de contes célèbres
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relations mère/ado
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