Il

roman de Loïc LE BORGNE

Sous l'eau, il ouvre les yeux. (...) Le dauphin s'approche. Plonge son regard dans le sien.

"Qui toi es ?"

La voix exprime de la surprise mais elle n'a rien de désagréable. Elle chante dans sa tête.

"Pas comme les autres, toi. Qui ?"

Le garçon commence à manquer de souffle, il va devoir remonter. Le dauphin se rapproche encore.

"Nouveau. Avenir."

Syros, 2015, 259 p. (Soon)
Syros, 2015, 259 p. (Soon)

Cet été, Romane reçoit son cousin Elouan dans sa petite ville de Templeuve. Depuis l'accident, trois ans auparavant, qui a tué sa mère et lui a valu une jambe atrophiée, Romane a tendance à se retrancher dans la solitude, alors elle est contente d'avoir un peu de compagnie. Même si Elouan a toujours été un garçon étrange, "un peu autiste" comme dit son père. Voire franchement anormal.

 

Ce que ne savent pas les gens, c'est qu'Elouan est télépathe : il est en permanence assailli par les pensées des autres. Il est même capable d'entrer en contact avec des animaux.

 

Elouan fait ce qu'il peut pour maîtriser son don. Mais celui-ci prend de plus en plus d'ampleur. Harcelé par la bande de délinquants de Templeuve, il provoque d'inquiétants phénomènes qui attirent l'attention sur lui...

 

Elouan s'interroge : jusqu'où va sa bizarrerie ? Est-il un mutant, comme ces adolescents dont on parle aux informations, qui ont aussi d'étranges pouvoirs ? Et surtout, représente-t-il un danger pour les autres ?

Mon avis :

L'histoire touchante d'un adolescent hors norme, tête de file d'une nouvelle espèce humaine.

Ce qui m'a surtout interpellée dans ce roman d'anticipation très bien écrit, ce sont les différentes thématiques traitées en filigrane. La solitude, tout d'abord : celle d'Elouan, qui se sait différent sans que personne ne mesure ce qu'il endure ; celle de Romane, traumatisée par l'accident et son handicap ; celle plus discrète mais tout aussi pesante de Valentin, le chef de bande qui ne se reconnaît plus dans les actes de ses camarades ni ne supporte la violence de son père qui le bat, sans pour autant oser changer les choses.

Si les "mutants" comme Elouan sont apparus, c'est que l'espèce humaine, qui détruit son environnement, est en danger. La ville de Templeuve se meurt petit à petit, victime de la mondialisation qui oblige les entreprises locales à fermer : la sucrerie est en ruines, la carrière à l'abandon, le P'tit Bazar du père de Valentin déserté. A travers le personnage d'Elouan, proche de la nature et des animaux, c'est le retour à une vie plus authentique qui est prôné. Le roman est ponctué de moments hors du temps, où l'adolescent observe une buse en pleine attaque, écoute les mouettes "rirent comme des cancres", dompte un doberman enragé.

Enfin il y a cette intolérance insupportable des "vieux cons qui refusent que le monde change", bien décidés à se débarrasser du mutant dont la différence représente à leurs yeux une menace. "L'esprit plus étroit que le canon de leur fusil", ces "soldats d'opérette" plus bornés les uns que les autres enchaînent les réactions de violence au lieu d'essayer de comprendre les implications de cette évolution génétique.

Car le pouvoir (le martyre ?) d'Elouan est bien la clé de l'avenir de l'humanité. En cherchant à le maîtriser, l'adolescent découvre le "delta", un espace de communication intuitif où l'on peut avoir avec les autres des échanges totalement transparents. Plus sincères ? Le débat est ouvert... et la fin s'ouvre sur la perspective d'un renouveau, avec ses interrogations et ses bouleversements, ses inévitables conflits et ses indispensables espoirs. Et cette pensée à méditer : parlons moins, écoutons plus...

Patricia Deschamps, septembre 2015


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