Avalon park

roman d'Eric SENABRE

L'île était une destination internationale. Le lieu idéal pour qu'une épidémie se répande, et que chacun revienne dans son pays avec un virus dans ses bagages.

Didier jeunesse, 2020, 206 p.
Didier jeunesse, 2020, 206 p.

 

Au large de la Sicile, un soir de tempête. Dans un canot à la dérive, Nick et Roger tentent de sauver leur peau. Pourquoi leur père les a-t-il brusquement largués en pleine mer, sans explication ? S’ils s’entendaient bien jusque-là, la relation des deux frères va être mise à rude épreuve, surtout lorsqu’ils échouent à Avalon Park. Sans adultes et livrés à eux-mêmes dans un parc d’attraction à l'abandon, les enfants de l’île ne voient pas tous le danger de la même façon. A qui faire confiance ?

 

(4e de couverture)

Mon avis :

J'ai eu du mal à entrer dans l'histoire, parce que je ne retrouvais pas le style habituel de l'auteur et que le personnage de Roger est très particulier avec sa façon soutenue de s'exprimer ("Bonté divine!"). Et puis peu à peu l'écriture que j'apprécie habituellement a repris ses droits et je me suis laissée embarquée par l'atmosphère du parc d'attractions isolé et déserté. On apprend rapidement que se répand dans le monde une épidémie ne touchant que les adultes mais que les enfants peuvent transmettre (toute ressemblance avec une situation réelle est fortuite...). La plupart des visiteurs se sont enfuis mais un groupe d'enfants subsiste sur cette île au large de la Sicile.

 

Ces enfants, essentiellement italiens (ce qui ne vous vaut quelques sympathiques mots de vocabulaire ici et là), ont appris à se débrouiller seuls mais leur survie et leur organisation ne constituent pas, à mon sens, l'intérêt du roman: la thématique a déjà été maintes fois traitée, et l'on n'est pas surpris de voir le rapport de forces imposé par le jeune Nunzio qui s'est auto-proclamé "roi de l'île" grâce à son pistolet.

Ce qui est intéressant, c'est que ces enfants ont CHOISI de rester sur place. "Tu as l'air de penser que tout le monde est content d'être chez soi", fait remarquer la jeune Chiara au héros, "seulement tout le monde n'est pas comme toi et ton frère".

 

Nick et Roger viennent en effet d'une famille anglaise aisée, ce qui n'est pas le cas des petits Siciliens. Nick ne pense qu'au moyen de quitter l'île et ne comprend pas que les autres ne partagent pas son point de vue. D'ailleurs les deux frères vont d'emblée diverger d'opinion: loin de la pression paternelle, Roger se sent libéré ("C'est le seul endroit où personne ne me renvoie à ce que je suis. Ou plutôt, ce que je ne suis pas"). Nick ne reconnaît plus son cadet, ne comprend pas son attitude complice avec Nunzio, son refus de quitter l'île avec lui. De son côté, Roger reproche à son aîné de ne pas chercher à s'intégrer au groupe et de continuer à prendre les décisions pour deux.

 

Nick a en effet l'habitude d'assumer des responsabilités en tant que grand frère et j'ai trouvé pertinent qu'il traverse une période de doute, en ressentant tout le poids du haut de ses (seulement) 16 ans ("Je suis supposé être l'aîné. Celui qui sait mieux"). Dans cet endroit sans règle ni contrainte, l'adolescent découvre que "l'absence de contrôle peut être réconfortante".

Sous l'influence de Roger, son doute va s'étendre à une autre interrogation: ces adultes qui ne vont pas manquer de débarquer sur l'île, seront-ils bienveillants? Nick est persuadé qu'on va venir les secourir mais pour Roger, leur groupe d'enfants représente une menace (de contagion) qu'on va chercher à éradiquer. N'était-ce pas le but de leur père en les précipitant dans un canot: se protéger lui, davantage qu'eux?

 

Et puis comment imaginer la vie après tout ça?, se demande Nick. Peut-on revenir à son quotidien d'avant la pandémie? Ce monde que l'on connaissait, s'était-il "écroulé à jamais" ou bien "sommeillait-il simplement"? Roger, de son côté, a "peur que la routine reprenne"... Les événements ne sont-ils pas l'occasion de changer certaines choses? La réflexion fait étrangement écho à celle que l'on peut avoir en cette période de covid... A chacun de voir le point de vue qu'il adoptera.

 

Patricia Deschamps, février 2021


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